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Jane Birkin : « Ces boîtes d’où surgissent les souvenirs »

Présenté en sélection officielle, hors compétition, au Festival de Cannes, en 2007, "Boxes" devient une pièce de théâtre publiée par L’avant-scène théâtre, dans la collection quatre-vents. Jane Birkin, qu'a rencontrée Armelle Héliot, explique cette transformation.

Jane Birkin : « Avec la sortie de l’album Oh ! Pardon tu dormais qui reprend le titre d’un film que j’avais transformé en pièce, j’ai relu le scénario de Boxes, le film, et j’ai pensé qu’il pourrait être adapté pour le théâtre. Il m’a semblé que ce serait excitant de faire revivre et l’histoire et les personnages, d’autant que la structure de Boxes l’apparente à du théâtre.

Avant Boxes, il y avait donc eu Oh ! Pardon tu dormais, dialogue nocturne entre un homme et une femme, une femme qui le réveille en pleine nuit pour lui parler, pour qu’ils échangent. Ce fut un film, en 1992, que j’ai tourné pour Arte, dirigeant Christine Boisson et Jacques Perrin. Puis, au théâtre, à la Gaîté-Montparnasse, j’ai joué moi-même le rôle de la femme, avec le formidable Thierry Fortineau. Xavier Durringer signait la mise en scène. Dans la salle, un ami revenait souvent : Étienne Daho a tout de suite été persuadé qu’il fallait aussi que la musique, que des chansons, reprennent cette histoire, cette situation. C’est ainsi qu’ont eu lieu les transformations…

Au moment du tournage de Boxes, qui s’est déroulé dans ma maison de Bretagne, j’ai eu beaucoup de chance. Cela a été un moment très heureux. J’étais entourée d’une distribution merveilleuse : Michel Piccoli, mon père, Géraldine Chaplin, ma mère, John Hurt, Maurice Benichou, Tchéky Karyo les trois maris, les papas des filles, Natacha Régnier, Lou Doillon, Adèle Exarchopoulos, qui débutait avec moi… Et moi, puisque Géraldine Chaplin n’avait pas accepté de jouer mon propre rôle, elle trouvait qu’elle avait dix ans de trop… mais elle m’avait alors proposé de jouer ma mère. J’avais rêvé que ma mère, qui avait été comédienne, une femme sophistiquée et piquante, soit avec nous. Mais elle s’était éteinte quelque temps avant le début du tournage.

Cette maison de Bretagne, j’y habitais depuis quelques années. Il a donc fallu tout enlever, faire disparaître la décoration et mettre les boîtes, toutes ces boîtes d’où surgissent les souvenirs. Il y a évidemment une trame autobiographique. Je me suis inspirée de la vérité de certaines personnes que je connaissais. J’ai repris des situations fantasques dont j’avais été témoin dans les années qui précédaient. J’ai gardé Joséphine qui habitait dans la remise de charbon en face de chez moi, Petit Veuf qui vivait dans la même allée que moi. Ce sont des personnages qui m’ont inspirée, j’ai piqué leurs dialogues, tellement ils étaient incroyablement drôles. Je voulais conserver ces personnages loufoques. Et puis je me suis souvenue aussi de ma famille qui était exceptionnellement drôle et très inspirante. Ainsi, mon grand-père secouait-il vraiment les prises électriques : il les débranchait la nuit et les secouait pour en faire tomber les gouttes…

Aucun metteur en scène n’a encore lu la version théâtrale de Boxes. Je ne l’ai fait lire qu’à Olivier Rollin qui a eu la gentillesse d’écrire la préface. J’ai une énorme confiance littéraire en lui.

Depuis Boxes, j’ai publié des parties de mon journal : Munkey Diaries, qui va de 1957 à 1982, avec ce titre qui se réfère à un petit singe que j’aimais et que j’ai mis auprès de Serge Gainsbourg, dans son cercueil. Et puis Post-Scriptum, années 1982 à 2013. Je suis dans le souvenir, mais pas enfermée dans le passé. »

Propos recueillis par Armelle Héliot

Boxes est publié dans la Collection des quatre-vents, disponible en librairie et sur notre site Internet