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Les critiques de L'avant-scène : Les gros patinent bien (+++)

Le tandem Olivier Martin-Salvan et Pierre Guillois se montre une nouvelle fois désopilant dans un spectacle clownesque quasi-muet, où d'innombrables panneaux de carton commentent l'action.

Voilà un spectacle qui ne fera certainement pas l'objet d'une publication dans L'avant-scène théâtre. Et pour cause, il ne comporte presque pas de dialogues, la plupart des gags sont visuels et les mots prononcés le sont en un anglais qui tient moins de la langue de Shakespeare que du yaourt. Il s'agit en réalité d'une entrée clownesque d'une longueur inhabituelle puisqu'elle dure une heure et demie. 

Olivier Martin-Salvan et Pierre Guillois, qui ont déjà travaillé ensemble, notamment pour Le Gros, la Vache et le Mainate en 2010 et Bigre, Mélo burlesque quatre ans après, jouent ici en tandem. Le contraste de leurs physiques fait penser à Laurel et Hardy. Il rappelle aussi le couple de Fin de partie, de Samuel Beckett : Hamm, le paralytique tyrannique et aveugle, et Clov, son valet de moins en moins obéissant. Martin-Salvan, gros bibendum chauve et barbu, est ici vêtu d'un costume trois pièces vert et chaussé d'étranges bottines rosâtres et pointues. Guillois, grand, maigre et sec comme un échalas, ne porte qu'un maillot de bain. Martin-Salvan reste au centre de la scène, vissé sur son tabouret pendant toute la représentation, et ne cesse de grommeler tandis que Guillois vibrionne autour de lui. 

>> Retrouvez cet article et l'intégralité de nos actualités dans notre numéro consacré aux urs Bienaimé de Brigitte Buc 

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Ce dernier a beaucoup à faire. Non seulement, saisir et brandir les innombrables panneaux de carton qui commentent l'action comme des bulles de bande dessinée, mais encore mimer toutes sortes de créatures que Martin-Salvan est censé croiser dans sa course immobile. Cela va d'une bigouden revêche à une mouette au guano abondant, en passant par une sirène racoleuse, fort éloignée d'Ariel, la Petite Sirène de Walt Disney, en dépit de sa queue de poisson et de ses long cheveux jamais mouillés, même au sortir de l'eau. Il faut préciser que ses boucles sont en carton comme tous les accessoires sur le plateau : les patins de Martin-Salvan, la trottinette, la moto, le bourricot, mais aussi le cigare ou le verre d'eau. Oui, tout ici est en carton mais le spectacle vaut son pesant d'or et la salle se désopile du début à la fin. 

Depuis longtemps les cirques ne proposent plus guère de numéros de clowns. Et quand ils en proposent, ils sont à pleurer. Mais si les clowns ont déserté les chapiteaux, ils se produisent encore dans des théâtres. Ce spectacle donne un coup de jeune aux recettes traditionnelles du burlesque. Il fait aussi bien rire les mioches (à partir de 8 ans) que les grandes personnes assez naïves pour se croire devenues des adultes.

Jacques Nerson

Au Théâtre Tristan-Bernard (Paris, VIIIe) jusqu'au 30 avril