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Les critiques de L'avant-scène : Les Producteurs (+++)

En s'emparant du film culte de Mel Brooks, devenu musical à succès depuis 2001, Alexis Michalik nous offre deux heures de politiquement incorrect qui font du bien.

Alors que les gens du spectacle courent en principe après le succès, Max Bialystock (Serge Postigo), producteur de Broadway au bord de la ruine, espère se refaire grâce à une arnaque à l'assurance en montant un four. Une idée que lui a soufflée son névrosé de comptable, Léo Bloom (Benoît Cauden). La crainte de Bloom de se retrouver en prison freine un temps l'entreprise, mais ses fantasmes de devenir le "tombeur de ces dames [qui] auditionne au lit" (sic) l'emportent sur ses scrupules. 

>> Retrouvez cet article et le reste de nos actualités dans notre numéro consacré au Voyage de Gulliver de Christian Hecq et Valérie Lesort

Associés, les deux escrocs cherchent donc la pire des pièces , qu'ils croient trouver avec Des fleurs pour Hitler, comédie néonazie. La visite qu'ils rendent à l'auteur nostalgique du Troisième Reich batifolant dans les clairières de Bavière vaut son pesant de cacahuètes. Celle au metteur en scène Roger De Bris (David Eguren), mythomane gay, est tout aussi savoureuse. Entouré d'un scénographe de cuir vêtu et d'un styliste en kilt, le pire des metteurs en scène finit par accepter le job sur le mode de La Cage aux folles au rythme des Village People...

De retour au bureau, Bloom découvre la pétulante Ulla (Roxane Le Texier) venue passer son audition sur l'air de Donne tout ce que t'as. Un numéro chaud qui fera d'elle une secrétaire réceptionniste et bientôt la maîtresse de l'ex comptable auquel poussent des ailes. L'auteur se cassant la jambe, c'est le metteur en scène qui tiendra le rôle du peintre raté devenu Führer. Irrésistible ! Mais rien ne se passe comme prévu : le spectacle construit pour être le plus bête qui soit triomphe. Max est emprisonné tandis que Léo et sa belle fuient à Rio avec le magot avant que leurs remords conduisent à un happy end. Voici résumé le film culte de Mel Brooks (1967) qu'il adapta lui-même pour la scène en 2001.

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S'emparant de ce show aux douze Tony Awards, qui inspira aussi un film à Susan Stroman, Alexis Michalik - metteur en scène, auteur et comédien aux succès populaires moliérisés, "wonder boy du théâtre français" -, consolide le phénomène dans une adaptation de Nicolas Engel. Beau coup de la production (Stage Entertainment, Théâtre de Paris, ACME, Arts Live Intertainment) : la comédie musicale fait carton plein. Succès mérité. L'ensemble réjouit par sa gaieté et sa dérision. Musique live sous la direction de Thierry Boulanger avec contrebasse, percussions, trombone, flûtes, clarinette et saxophone. Chant, danse, claquettes. La vie de Broadway, quoi ! En prime, des clins d'oeil à Avignon auquel Michalik doit tant. Deux heures de politiquement incorrect qui font du bien.

Rodolphe Fouano

Au Théâtre de Paris jusqu'au 7 janvier 2023. 

>> Retrouvez le numéro de L'avant-scène théâtre consacré aux Producteurs mis en scène par Alexis Michalik