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Pascal Legros : "Respecter l'esprit des théâtres"

Propriétaire du Théâtre Édouard VII, du Théâtre des Nouveautés et du Théâtre Fontaine, Pascal Legros est le producteur de deux pièces à l'affiche éditées par L'avant-scène théâtre: COMPROMIS et ENCORE UN INSTANT. Nous l'avons rencontré à cette occasion.

L’avant-scène théâtre : Comment vous investissez-vous dans le choix des pièces à l'affiche de vos théâtres ?
Pascal Legros :
C’est une étape cruciale de mon travail. J’ai tendance à faire confiance à mon intuition et à mon expérience, mais force est d’admettre qu’il n’existe pas de recettes magiques ni d’ingrédients miracles. Trouver "la" bonne pièce repose sur un savant mélange d’opportunités et de relationnel. C’est pourquoi je soigne mes relations avec les artistes. En particulier avec les auteurs, car ce sont d’eux que tout jaillit.

L’AST : Comment "Compromis" et "Encore un instant" ont-elles trouvé leur place dans leurs théâtres respectifs ?
P. L. :
"Compromis" n’est pas un projet qui me revient complètement : c’est Michel Leeb qui me l’a proposé, après en avoir déjà parlé à Pierre Arditi. Il a certainement dû penser qu’il s’agissait là d’une bonne occasion d’association entre nous trois.
Quant à "Encore un instant", c’est un spectacle à l’origine duquel se trouve Bernard Murat. J’ai repris le Théâtre Edouard VII à la mi-janvier 2017, et je souhaite poursuivre le travail assuré par Bernard, qui reste directeur artistique. Il avait déjà mis en scène des pièces de Roger-Lacan, un auteur de qualité dont l’œuvre me plaît beaucoup, alors c’est assez naturellement que je l’ai suivi dans son désir de porter "Encore un instant" sur les planches.

L’AST : Qu’est-ce qui vous a séduit dans ces deux pièces ?
P. L. :
"Compromis" m’a d’emblée attiré car il s’agit d’une pièce qui parle du métier. Ce genre de pièces autoréflexives peut s’avérer être un terrain glissant, mais le public aime découvrir l’envers du décor, le théâtre dans le théâtre. Et c’est un texte qui ne craint pas de mettre à l’épreuve l’élasticité et la solidité des liens : ceux des rapports humains en général, et ceux de l’amitié en particulier. Intemporel, il déclenche le rire à propos de choses graves. Un tel contraste, dès lors qu’il est habilement instauré, me plaît toujours.
Dans "Encore un instant" aussi, le rire suit de près le tragique, comme si l’un n’allait pas sans l’autre. À l’image de la vie et de la mort – deux thèmes délicatement abordés par la pièce. Et l’on y révèle également les coulisses du métier, à travers ce personnage principal qui n’est autre qu’une comédienne, sa loge dévoilée ainsi que sa bulle de trac, son intimité d’artiste… Mais si ces deux pièces présentent certaines similitudes, il s’agit d’un hasard et non d’un désir conscient de ma part.

L’AST : Une fois les pièces choisies, comment les suivez-vous au fur et à mesure de leur préparation ?
P. L. :
Je me faufile dans la salle pendant les répétitions, et m’y installe en position d’observateur sage et discret. Cela n’aurait pas de sens pour moi de chercher à contredire le metteur en scène, dans la mesure où il s’opère avec lui un pacte implicite de confiance lorsque je décide de lui confier un projet. C’est au moment du choix des acteurs que je dois en revanche être plus concrètement présent, et valider une distribution susceptible d’attirer un grand nombre de spectateurs.

L’AST : Vous êtes propriétaire de trois salles parisiennes. Considérez-vous que chaque théâtre a une ligne qui lui est propre ?
P. L. :
En effet ! Chaque théâtre a un esprit qui lui correspond et qu’il faut s’attacher à respecter. À Édouard VII se joue un théâtre haut de gamme, pour un public traditionnel. Le Théâtre des Nouveautés propose des comédies de qualité, comme en témoignent la programmation de ces dernières années et son succès. Quant au Théâtre Fontaine, la clientèle est un peu plus jeune que pour les deux salles précédentes. J’ai la chance d’y travailler avec Patrick Haudecœur, un auteur très talentueux qui s’impose comme un générateur de succès.

L’AST : Quel spectateur êtes-vous ?
P. L. :
J’ai des goûts assez éclectiques. Il me semble d’ailleurs que le public évolue dans ce sens-là : il peut réclamer qu’on lui donne matière à réflexion, tout comme il peut se montrer en demande et en attente de divertissement, avec des comédies dont la légèreté sait faire oublier les tracas du quotidien.

Propos recueillis par Kelly Suchait