
« L’incertitude est au cœur des choses. Mais la passion aussi. »
L’avant-scène théâtre : Où êtes-vous confiné ?
Benoit Solès : En Gironde, tout près de mon Lot-et-Garonne natal. À Paris, la façade de mon immeuble est en ravalement depuis plusieurs mois, et les fenêtres sont obstruées. Je n’aurais pas supporté d’y être confiné, sans voir la lumière du jour. Ici, c’est entre autres cette lumière qui est belle. Et puis, j’entends le bruit de l’océan…
AST : Comment se déroulent vos journées ?
B. S. : N’étant plus sur scène tous les soirs, je me lève beaucoup plus tôt. Je travaille le matin et fais plutôt du sport dans l’après-midi. Les soirées sont consacrées à écouter les informations, puis à regarder des séries. Curieusement, les journées passent vite. Le rapport au temps a changé. C’est une espèce de parenthèse étrange.
AST : Avez-vous des projets d’écriture en cours ? Est-ce une période propice pour écrire ?
B. S. : Je termine l’écriture de ma nouvelle pièce : "La Maison du loup". Le paradoxe de la période, c’est qu’elle pourrait démotiver l’auteur plus habitué à écrire dans le mouvement de la vie que dans son ralentissement. Heureusement pour moi, j’appartiens plutôt à la seconde catégorie : j’ai besoin de temps et de disponibilité. De ce côté, je suis servi !
AST : La situation actuelle peut-elle être une source d’inspiration ?
B. S. : Elle aurait pu m’inspirer si je n’avais pas choisi mon sujet en amont. Mais il se trouve que l’un des thèmes de ma pièce aborde déjà, d’une certaine manière, l’enfermement… Le mot « confiné » figurait déjà dans mon texte !
AST : Qu’est-ce qui vous manque le plus ? Qu’est-ce que vous appréciez ?
B. S. : Je ne suis pas fanatique des « vacances », désirées ou imposées. Donc, mon métier me manque énormément. Le bonheur de défendre une pièce qui me tient à cœur, avec un partenaire merveilleux, un public captivé et ému par l’histoire d’Alan Turing, sont irremplaçables. En attendant la reprise, je fais contre mauvaise fortune bon cœur !
AST : Le confinement vous-a-t-il fait prendre conscience de certaines choses et vous a-t-il donné des envies de changement ?
B. S. : Il y a une prise de conscience philosophique sur la fragilité des choses. Une autre, plus écologique, sur l’état de notre planète. Mais la plus aiguë est une prise de conscience politique : le spectacle vivant et la culture en général sont essentiels. Il faut les protéger. Les acteurs de notre secteur se battront pour leur survie. Et je serai bien sûr avec eux.
AST : Quelle est la première chose que vous ferez quand vous sortirez ? Et qu’est-ce que vous ne ferez plus ?
B. S. : D’abord, aller retrouver ma famille. Et puis reprendre une activité théâtrale, en réfléchissant collectivement aux aménagements nécessaires. Ce que je ne ferai plus, c’est peut-être de considérer que les choses peuvent être « certaines ». L’incertitude est au cœur des choses. Mais la passion aussi.
AST : Pouvez-vous nous citer un objet et une œuvre artistique qui vous ont accompagné pendant cette période ?
B. S. : Un objet : Mon téléphone portable, il faut bien l’avouer…
Une œuvre : L’air de la romance de Nadir, dans "Les Pêcheurs de perles" de Bizet, chantée par Alain Vanzo. C’est un thème romantique et « cosmique » à la fois. Et puis… on l’entendra dans ma nouvelle pièce !