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Jean-Paul Farré

Jean-Paul Farré

Il a la chevelure grise ébouriffée de Beethoven, il a la passion des pianos mais il n’a pas composé La Symphonie héroïque. Le registre de Jean-Paul Farré, c’est la comédie – note qui a toujours manqué au compositeur allemand. Farré, lui, sait composer, écrire et jouer, ce qui lui confère une légère supériorité par rapport au grand Ludwig. C’est un amuseur « à double casquette », comme il le dit lui-même : il a acquis sa renommée par ses spectacles musicaux, il est autant apprécié pour ses spectacles sans ingrédients pianistiques.  L’un n ‘étouffe pas l’autre, ils vivent parallèlement. Depuis l’enfance, il s’est toujours reconnu dans les comiques. Il avait le don des pitreries, mais il est allé le cultiver à bonne école : Keaton, Chaplin et les Marx Brothers – qu’il voyait à l’œuvre dans la salle de cinéma du TEP –, Fernand Raynaud et Raymond Devos, qui, sous ses yeux de gamin, montaient au firmament du music-hall. Enfant de Paris, côté Est parisien, il aimait la gaîté de son père imprimeur (dans l’atelier, il voyait sortie des rotatives l’ancêtre du Film françaiset les affiches des nouveaux films) mais ce père, qui l’emmenait voir des opérettes (Méditerranée avec Tino Rossi !), mourut prématurément. Le TEP puis des discussions avec Guy Rétoré développèrent son envie d’être acteur. Plus tôt, à l’âge de 6 ans, il avait eu – souvenir à ne pas oublier – l’émotion provoquée par le film de Cecil B. De Mille, Le Plus Grand Chapiteau du monde : tout ce grouillement d’artistes pari les cordages avait fortement impressionné le bambin, qui avait appris là ce qu’était un clown.  À peine sorti de l’adolescence, il avait exprimé le souhait de jouer Rodrigue ou Hamlet. Le professeur du cours d’art dramatique où il s’était inscrit, Jean Périmony, avait répondu : « Non, ce sera Scapin. » Il prit donc naturellement le chemin, trivial et royal, des bouffons. Comme il avait fait du piano, en mauvais élève doué, il imagina peu à peu le principe de one man shows d’un type nouveau : un musicien aux cheveux fous en lutte avec son piano. Il allait renouveler le genre et se renouveler puisqu’à ce jour, il est l’auteur de onze spectacles de cette nature. Mais l’autre Farré n’est pas mal non plus ! Celui qui écrit des textes pour lui-même et, aujourd’hui, pour lui-même et un partenaire de haut-vol, Jean-Jacques Moreau. Ces deux-là avaient joué ensemble En attendant Godeau jadis et, par fidélité, dix ans plus tard, s’en étaient allées voir ensemble un autre Godot, mis en scène par Luc Bondy. Farré travaille à l’ancienne, avec un stylo. Il écrit sur des pages doubles, dont il numérote les lignes, et chaque réplique ne dépasse pas la longueur de la ligne. Le texte vient vite, il le reprend plus tard, beaucoup pendant les répétitions. Pour ce pessimiste gai, la joie est intense de retrouver Jean-Jacques Moreau et de travailler avec un metteur en scène d’une génération plus jeune, Anne Bourgeois, pour laquelle les références théâtrales sont différentes. Ce maître du one man show et de la pièce à très peu de personnages rêve d’être invité à jouer ensuite une pièce moderne nécessitant beaucoup d’acteurs, pour être au cœur d’une bande – situation que son destin de clown solitaire lui a offerte trop rarement.