Vercors, de son vrai nom Jean Bruller (1902-1991), humaniste, figure majeure de l’engagement, a traversé le XXe siècle. Fils d’un Hongrois d’origine juive ayant fui l’antisémitisme de son pays, il sera tour à tour dessinateur satyrique, écrivain, résistant et éditeur. Avec Pierre de Lescure, il fonde clandestinement les Éditions de Minuit à l’automne 1941. Il y publie Le Silence de la Mer, étendard contre la collaboration et la propagande vichyste. Après la guerre, il se joint à Sartre et Camus et se révolte contre les théories raciste, eugéniste et nazie. Vercors écrit par nécessité de dire l’injustice, il invite à̀ la révolte, à̀ ne pas se rendre complice, même par inaction, des horreurs dont le XXe siècle est témoin. Homme de gauche, anticolonialiste et pro-européen, il prend position contre la chasse aux sorcières, contre la guerre froide et le danger de l’isolement de l’URSS. Il signe le « manifeste des 12 » et renvoie sa Légion d’honneur pour protester contre les atrocités en Algérie. Il admire la probité de deux hommes politiques : Aristide Briand, dont il écrit un autoportrait, et Mendès France, qu’il côtoie. Il ne prend aucune carte politique. En pleine guerre froide, il défend nombre de causes communistes sans se priver de critiquer le parti. L’estime qu’il a pour ses amis, Jules Romains, Paul Éluard, Gérard Philipe, est réciproque. Peu enclin à̀ la médiatisation, il refuse à̀ deux reprises d’entrer à̀ l’Académie française. Ses convictions le poussent à̀ publier des auteurs engagés et souvent censurés, Arthur Miller, Dylan Thomas, Joë́ Bousquet, Julian Huxley, Raymond Queneau, Charles Vildrac, Georges Bataille ou encore William Faulkner. Suivant cette ligne éditoriale, il refuse de publier des auteurs antisémites tels que Céline. Ces positions lui font perdre de nombreux soutiens. Il subit une censure médiatique, qui lui dénie toute possibilité de s’exprimer et semble le vouer à̀ l’oubli. Malgré cela, Vercors publiera une quarantaine d’ouvrages et donnera des conférences dans de nombreux pays pour inviter tous les peuples à̀ s’accorder sur une notion universelle de l’Homme. Restent de lui le souvenir d’un esprit libre et des écrits ayant rencontré́ un succès international.